
Jérôme, un médecin du travail, constate une augmentation des demandes d’avis d’inaptitude, avec plusieurs cas par jour. Ces avis déclarent l’état de santé (physique ou mental) d’un salarié incompatible avec son poste, ouvrant souvent la voie à un licenciement après un échec de reclassement. Le médecin s’interroge sur la fréquence de ces demandes, notamment dans le secteur bancaire, où les conditions de travail sont de plus en plus dures, marquées par les pressions hiérarchiques, les changements organisationnels et l’émergence de l’intelligence artificielle.
Pour Jérôme, la majorité de ces requêtes est justifiée par l’épuisement professionnel des salariés. Cependant, il pointe également une « instrumentalisation croissante de la médecine du travail ». Certains salariés et employeurs utiliseraient l’avis d’inaptitude comme une stratégie opportuniste pour quitter l’entreprise. Cette situation met le médecin mal à l’aise, soulignant le détournement de l’objectif initial de ces avis.
L’inaptitude est prononcée par le médecin du travail après un examen médical et une étude de poste, ainsi qu’un échange avec l’employeur et le salarié. Si aucune adaptation ou reclassement n’est possible, le salarié peut être licencié. Des études montrent que les troubles mentaux et du comportement sont une cause croissante d’inaptitude, touchant notamment les employés du commerce, le personnel administratif et les services aux particuliers. Environ 100 000 salariés seraient déclarés inaptes chaque année en France, un chiffre en augmentation.
Dans le secteur bancaire, l’arrivée de l’IA transforme les métiers, automatisant les tâches répétitives et libérant du temps pour des activités plus stratégiques. Cependant, elle pose aussi des défis en termes de nouvelles compétences et de conditions de travail. L’instrumentalisation de l’avis d’inaptitude est une préoccupation grandissante, les employeurs pouvant contester l’avis devant le conseil de prud’hommes. Le rôle du médecin du travail est crucial pour s’assurer que l’inaptitude n’est pas utilisée à des fins de « pure convenance ».